Tennis français : la peur de gagner
Dans un article paru dans Le Temps, «Le tennis français, où est le problème?», l’absence de titres internationaux des joueurs de tennis en France serait dû au manque de gestion des émotions. Explications.
Les joueurs français sont bons techniquement, ont des infrastructures d’excellente qualité pour s’entrainer, jouer et font partie d’une fédération puissante avec de gros moyens.
Malgré tout, ils n’arrivent toujours pas à décrocher de titres prestigieux, notamment dans les tournois majeurs de Grand Chelem. En cause: les émotions.
L’analyse se tient. En effet, lorsque je regarde certains matchs de tennis à forts enjeux, avec des Français en compétitions, il se passe quelque chose d’incroyable.
Tout y est, l’envie de gagner, de bien faire. Bien souvent, les Français sont menés puis reviennent avec force et détermination.
Et puis… plus rien.
Juste au moment où ils pourraient faire la différence et gagner le set qui leur fera remporter le match, les joueurs semblent ne plus être de la partie, semblent ne plus être dans le moment présent.
Que se passe-t-il dans la tête des joueurs ?
Alors en observant le comportement, le regard et l’attitude, cela est apparu comme une évidence. Quelque chose se produit au niveau mental qui fait qu’ils ne franchissent pas le cap. Son nom : la peur de gagner.
Paradoxal, diriez-vous, pour des personnes dont le métier est de gagner des compétitions ?
Pas tant que cela. Dans de nombreux cas, nous sommes préparés à perdre mais pas à gagner.
« Et n’oubliez pas, l’important, c’est de participer ! ». Cette phrase anodine et réconfortante, n’est-elle pas finalement une induction à l’échec avant même d’avoir commencé?
Jouer sans avoir envie de gagner, c’est jouer avec l’idée de perdre. Comme une équation simple, si je me dis:
1. Je peux perdre
+2. Alors je pense alors que je vais perdre
= 3. Donc il y a de grandes chances que je perde
La culture de l’échec
Lisez le début de cette interview du judoka Teddy Riner, huit fois champion du monde et deux fois médaillé d’or aux Jeux Olympiques.
Notez, dés la première question, le terme utilisé pour expliquer l’envie de gagner. Il est question d’orgueil, quelque chose de moralement et socialement négatif, un péché capital.
Teddy Riner est-il vraiment orgueilleux ? Ou bien est-il seulement conscient de ses capacités pour réussir ?
Teddy Riner adopte une posture de vainqueur avant de débuter un combat, il n’a aucun doute sur le fait qu’il va réussir: « Je n’accepte pas la défaite, je ne veux que gagner ».
Nous baignons quotidiennement dans ces allusions laissant penser que la réussite est quelque chose d’exceptionnel, de rare, pour des êtres incroyablement doués. Qu’elle s’adresse à d’autres, pas à nous.
Ou bien encore que gagner peut être malsain, car cela induit des comportements abusifs et amoraux.
Comme si réussir signifiait « vendre son âme au diable » et se transformer en suppôt. Est-ce bien réel ? Ou s’agit-il de croyances limitantes qui prennent leur source dans l’irrationnel?
Identifier ses croyances limitantes est un premier pas vers l’accès à la réussite.
Les bienfaits de l’échec
Gagner est un concept, une philosophie. Il ne suffit pas d’être « bon » dans son domaine pour gagner. Encore faut-il se donner comme objectif de gagner, s’autoriser à gagner et accueillir les conséquences de la réussite.
Car réussir a des conséquences. Sur nous-mêmes, notre façon de nous voir et nous considérer. Sur les autres, la façon qu’ils ont de nous voir et de se voir eux-mêmes à travers notre réussite.
Nous devrions être en mesure de gérer les situations de réussite tout comme les situations d’échec.
La peur de gagner, comme la peur de réussir et une peur récurrente chez mes clients. Elle englobe différentes émotions, ingérables car souvent contradictoires.
Elle concerne des personnes de toutes positions, conditions sociales, origines culturelles et géographique, à tout âge.
Des élèves cultivés, intelligents, créatifs et qui n’arrivent pas à obtenir les résultats scolaires souhaités.
Des chefs d’entreprises tétanisés par l’idée que leur boite se développe.
Ou bien encore des humanitaires qui se lancent dans l’inconnu, s’exposent à des dangers et doutentde leur capacité à réussir leur mission.
C’est donc une peur universelle qui prend sa source dans différentes causes.
Comment faire autrement ?
Gilles Simon, dans l’interview du Temps, soulève un point essentiel lorsqu’il parle de ses peurs et des réponses qu’ils lui sont données par ses entraineurs: « Comme si on ne savait pas quoi me répondre… ».
C’est juste, ils ne savent pas quoi répondre. Il ne savent pas comment faire autrement.
Détenir la posture d’entraineur et de coach est extrêmement complexe.
Ces deux approches peuvent être antinomiques chez une même personne: l’une a pour direction les performances techniques et physiques avec comme enjeu des victoires, et l’autre les performances mentales avec pour enjeu l’épanouissement.
Les deux sont complémentaires et indissociables pour gagner mais rarement gérées par une seule et même personne.
La plus-value d’avoir deux personnes distinctes est la liberté de pouvoir exceller dans son domaine de compétences et séparer les rôles.
De nombreux entraineurs l’ont bien compris et délèguent cette partie du travail, sans remise en question de leur rôle et de son importance.
Pour aller plus loin: 5 pistes pour réussir et nourrir sa culture de la gagne
A. Bendedda